Entorse de la cheville

Nom: Bertrand Gille
Né le 24 mars 1978, à Valence
Nationalité: Français
Taille: 187 cm
Poids: 98 kg
Discipline: Handball
Palmarès: Champion du monde (01) et médaillé de bronze (03); 5ème aux Jeux olympiques (04); champion de France (01) et vice‐champion de France (98, 99, 00, 02).

Dans un match du championnat d’Allemagne opposant Hambourg, son club, à Grosswallstadt, le 8 décembre dernier, Bertrand Gille se réceptionne mal. “J’ai senti ma cheville se dérober vers l’intérieur”, déclare‐t‐il. “Avec dix ans de carrière pro derrière moi, j’ai tout de suite compris que c’était grave et qu’un peu de froid ne me permettrait pas de reprendre la partie.” Il faut savoir que les entorses sont monnaie courante en handball. “Je m’en étais déjà fait une belle à l’autre pied quelque temps auparavant.” Une chose reste tout de même assez bizarre dans ce cas-ci: le pivot de l’équipe de France s’est blessé tout seul à l’occasion d’une action qu’il avait probablement déjà effectuée des dizaines de milliers de fois au cours de sa carrière. Que s’est-il passé? Lui-même ne comprend pas très bien. “Cela se passait au milieu de la partie. J’étais chaud. Je ne ressentais aucun signe avant-coureur de blessure. Je ne suivais aucun traitement médicamenteux. Bref, rien qui puisse expliquer un affaiblissement soudain de la vigilance.” S’agissait-il d’un problème de chaussures alors? “Non, je ne crois pas. En handball, on fait précisément attention à choisir des modèles avec des semelles assez fines pour garder le pied relativement près du sol.” Plus tard, il reconnaîtra tout de même qu’il était en pleine charrette avec son club. “On jouait tous les trois jours. Je venais en outre de terminer mon DESS. Peut‐être étais‐je dans un état de fatigue général que je ne soupçonnais pas.” Fermons la parenthèse et revenons à l’immédiate après-chute. Après son évacuation vers les vestiaires, on propose de l’emmener à l’hôpital. Il refuse. Il est tellement sûr du diagnostic qu’il préfère rentrer avec ses partenaires. “On a simplement mis de la glace et maintenu le pied à l’air pour l’empêcher de trop gonfler.” Les radios et l’IRM qu’il effectuera comme prévu le lendemain confirment l’arrachement ligamentaire. “Ce genre de lésion est assez rare”, précise-t-il. “Dans la majorité des cas, les entorses de la cheville se font en retombant sur la tranche du pied. On s’arrache alors les ligaments externes. Ici, je me suis reçu sur l’intérieur du pied, il s’en est suivi une rupture des ligaments internes.” Les médecins allemands lui proposent immédiatement d’opérer. Etait-ce inéluctable? “Non. Mais la pose d’un plâtre nécessite de toute façon six semaines d’immobilisation. Comme l’opération! Celle-ci possède en outre l’avantage de limiter le risque d’instabilité de la cheville et donc de rechute.” Après avoir sollicité l’avis du staff médical de l’équipe de France, Bertrand Gille passe finalement sur le billard le 13 décembre dernier. “En ouvrant, le chirurgien a constaté que les ligaments étaient sérieusement touchés, ce qui l’a conforté dans sa décision d’opérer. Il a fallu alors recoudre les petits lambeaux. Pendant quinze jours, j’ai porté une attelle amovible qui permettait de changer régulièrement les pansements. Au cours des quatre semaines suivantes, j’ai gardé une botte rigide qui limitait la charge sur mon ligament latéral interne en tournant légèrement mon pied vers l’intérieur.” Au bout de ces six semaines, Bertrand Gille peut enfin reposer le pied sur le sol et entamer la deuxième phase de sa rééducation. “Dans un premier temps, j’avais surtout soulevé des charges pour limiter la fonte musculaire des deux mois d’inactivité. Ensuite, on a beaucoup travaillé la mobilisation de la cheville.” Classiquement, le travail de proprioception repose sur des exercices d’équilibre sur des plate-formes en demi-sphère ou encore des ballons de caoutchouc très peu gonflés. Le 31 janvier, c’est-à-dire moins de deux mois après son accident, le handballeur pouvait reprendre les entraînements collectifs, la cheville enserrée dans un “strap”. “Bien sûr, je ressentais un peu d’appréhension même si je savais que ma cheville ne risquait rien et que les ligaments étaient parfaitement cicatrisés”, explique-t-il. Il précise alors que ses craintes portent moins sur le risque de récidive que sur d’éventuelles répercussions ailleurs dans l’organisme. “En fait, j’avais peur de modifier les appuis et de provoquer de nouveaux déséquilibres. Il fallait donc éviter de surprotéger l’articulation.” Cela passe par un gros travail proprioceptif qu’il poursuit même après la reprise des entraînements. “Au bout du compte, il faut faire en sorte qu’un point faible, en l’occurrence une cheville convalescente, se transforme en un ancrage de stabilité!”

Olivier Beaufays

Les entorses de la cheville se rangent classiquement en trois catégories: les “bénignes” qui se caractérisent seulement par un brusque étirement ligamentaire, celles dites “de moyenne gravité” où le ligament est abîmé mais tient encore en place et les entorses “graves” avec déchirure partielle ou totale. Le choix thérapeutique tiendra évidemment compte de cette distinction. Dans les deux premiers cas de figure, la guérison survient spontanément. Il faut seulement veiller à ne pas reproduire les mêmes contraintes violentes qui s’exerceraient alors sur une cheville fragilisée. Cela implique de rester quelques jours en décharge complète, c’est-à-dire sans poser le pied sur le sol. Après l’accident, on veillera aussi à mettre de la glace sur l’articulation et éventuellement à poser un bandage compressif pour stopper les saignements. En cas de lésion grave, cela ne suffit évidemment pas. On doit immobiliser le pied pendant une période beaucoup plus longue. Dans certains cas, il faut même opérer. On parle de syndrome d’interposition lorsque le ligament rompu se rétracte et se fibrose dans l’articulation, ce qui empêche évidemment de courir ou même de marcher normalement. Heureusement, cela reste relativement rare. Selon la gravité des lésions (ou le type d’intervention), la période de convalescence après l’opération sera plus ou moins longue. Mais, dans tous les cas de figure, ce genre de blessure implique de se soumettre à un gros travail de kinésithérapie avant de reprendre le cours des entraînements et a fortiori des compétitions. On aurait tort effectivement de considérer les ligaments comme de simples haubans articulaires. Ceux-ci n’ont pas seulement pour mission de maintenir les os en place. Ils sont aussi bourrés de capteurs neurologiques qui enregistrent en permanence les contraintes que subit l’articulation. Par boucles ultra-rapides, ces informations entraînent des schémas gestuels sophistiqués avec une succession de phases de contraction et de relâchement musculaire dans le seul but de gérer instantanément ces tensions. Tout cela implique évidemment une communication très étroite entre les différents acteurs des voies réflexes. Or, en cas d’entorse, celles-ci sont mises à mal. Il arrive même que la rupture complète des ligaments reste muette du point de vue de la douleur. L’athlète poursuit alors sa pratique avec une cheville devenue totalement incontrôlable et insensible! Pour éviter d’en arriver à de telles extrémités, il faut impérativement privilégier la qualité du système de proprioception. C’est la raison pour laquelle on évite désormais les immobilisations prolongées. Une longue mise au repos fait perdre toute acuité sensorielle à l’articulation et, à la sortie du plâtre, on se retord la cheville à la première occasion. Après l’accident, on conseille donc de suspendre effectivement l’entraînement et les compétitions pendant une période de trois semaines minimum, tout en conservant une activité dans les limites du supportable en termes de douleur, toujours dans le but de garder précisément cette réactivité ligamentaire. La grande mode consiste actuellement à poser des bandes adhésives. Ce strapping soutient les ligaments meurtris du point de vue mécanique tout en leur conservant un rôle essentiel dans l’arc réflexe. Cela permet de réduire la période de convalescence; avec le risque évidemment que cette sensation nouvelle de sécurité n’incite à renouer trop vite avec la compétition. C’est d’ailleurs le problème de tous les progrès thérapeutiques! Ils modifient les comportements de ceux qui en bénéficient et recréent souvent de nouveaux risques à la place de ceux qu’ils permettent d’éviter!

Dr Christian Daulouède

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